Il ne s’agira pas de commenter et de discuter ici la dernière polémique nationale en date relative au port du voile dit islamique dans l’espace public mais simplement d’en rappeler l’existence et ce, dans le cadre de notre chronique d’actualité(s) laïque(s).
Les faits sont les suivants :
- le 10 mai 2021, M. Jordan Bardella (député européen et vice-président du parti Rassemblement national) signale sur le réseau social Twitter l’existence d’une affiche électorale qu’il condamne du fait de la présence d’une candidate portant un voile islamique. Il s’agit de l’affiche, pour le parti La République En Marche (LREM) de quatre candidats (titulaires et remplaçants) briguant un mandat aux élections départementales des 20 & 27 juin 2021 et ce, dans l’Héraut (canton de Montpellier I). Or, sur cette affiche de propagande électorale, la remplaçante Sara Zemmahi porte un signe religieux ce qui fait dire à M. Bardella : “C’est cela la lutte contre le séparatisme ?” “taguant” au passage la ministre chargée des questions de Laïcité, Marlène Schiappa.
- Dans les heures suivantes, c’est le délégué général de LAREM, M. Stanislas Guérini, qui estime opportun de répondre directement au député Bardella non pour défendre la candidate de son parti mais pour appuyer le propos dénonciateur du vice-président du Rassemblement National :
- Le lendemain, ce ne sont plus les cadres du parti, mais un membre du gouvernement, son porte-parole M. Gabriel Attal (LAREM), qui déclare ou “rappelle” (sur France Inter) à ses yeux deux principes :
- le “choix politique” qu’aurait fait le parti présidentiel (LAREM) de ne pas “présenter des candidats qui s’affichent (…) avec un signe ostensible religieux” sur leur matériel de campagne ;
- tout en ajoutant que “juridiquement, rien n’empêche une personne de se présenter à une élection avec un signe religieux”.
- De son côté, le député Bardella complète ses propos :
Notre propos pourrait précisément s’arrêter là puisque le LAIC-Laïcité(s) n’est pas un parti ou un groupe politique en ne retenant que cette dernière citation effectivement objective :
” juridiquement, rien n’empêche une personne de se présenter à une élection avec un signe religieux”
Gabriel Attal, porte-parole du gouvernement
En effet, au moment où elle est candidate, Mme Zemmahi n’incarne pas la République (ou alors juste La République En Marche) : elle “n’est” pas la puissance publique et n’en est ni l’élue ni l’agent en fonctions publiques. En conséquence, aucune norme ne lui impose une tenue particulière ou la mise en avant ou l’interdiction de port de signe(s) religieu(x). Elle est libre.
Et si le parti qui la “soutient” en décide autrement, c’est effectivement son choix politique mais cela n’est en rien une obligation juridique.
- Et, comme si la polémique ne se suffisait pas à elle-même, c’est par suite la sénatrice des Bouches du Rhône, Valérie Boyer (Les Républicains) qui va faire état d’un paradoxe dont il est rare qu’il soit à ce point d’une mauvaise foi toute crasse. En effet, affirme l’élue qui dit défendre la Laïcité et la lutte contre le séparatisme, le voile de la candidate montpelliéraine signerait (sic) une matérialisation séparatiste faisant “la promotion d’un monde qui divise les femmes” (sur BFM). La parlementaire d’affirmer alors qu’il faudrait évidemment condamner et empêcher à l’avenir la visibilité de tels signes religieux y compris sur des documents dits officiels de campagne électorale.
Qu’il nous soit alors permis d’ajouter deux remarques courtes :
- D’abord, si une fois déposés en préfecture et validés par l’administration d’Etat comme étant conformes aux prescriptions du Code électoral, les documents (dont les affiches) de propagande électorale revêtent ce caractère “officiel” de documents effectivement authentifiés conformes aux obligations précitées, il ne s’agit aucunement d’actes émis par la puissance publique et l’incarnant. Ces affiches ne sont “que” des affiches de candidats et non des actes administratifs et/ou publics d’élus ou de représentants de la puissance publique. Ils sont avant tout des documents privés d’un parti politique que l’Etat autorise et réglemente dans l’espace public mais il ne s’agit pas, par exemple, de la photographie officielle du chef de l’Etat. Le Code électoral n’interdisant pas l’ostension de signes religieux, si un parti décide de ne pas en mettre, c’est un choix politique mais non – redisons-le – une obligation juridique.
- Ensuite, n’y a-t-il pas une mauvaise foi des plus extrêmes (on l’a qualifiée supra de “toute crasse”) à bannir un signe religieux sur une affiche de propagande électorale lorsque soi-même, quatre années plus tôt seulement, on s’est présenté à une élection politique en mettant précisément en avant un signe religieux ? C’est exactement cette voie qu’a suivie la sénatrice Boyer faisant mine d’oublier le document suivant où elle apparaît pourtant avec une croix catholique visible et assumée :
De deux choses, l’une :
- Soit Mme Boyer a oublié cette affiche (on en doute) ;
- Soit elle considère que le signe religieux qu’elle porte avec ostension est plus compatible avec la République qu’un autre signe religieux d’une autre religion. Nous craignons que cela soit cette option qui ait été prise.